dimanche 30 novembre 2014

Chronique d'un Bourguignon | N° 01 Terre et Brume de Bourgogne

La chronique d'un Bourguignon | N° 01 

 TERRE ET BRUME DE BOURGOGNE -


En ces temps d'automne la brume parfois même un épais brouillard tombe sur notre terre de Bourgogne. La terre se refroidit et le froid monte au travers des chaussures ou des bottes des vignerons, une froide morsure qui saisit les orteils puis la plante des pieds pour enfin monter jusqu'aux jambes des travailleurs de la vigne et de la terre.
Cette brume légère m'a toujours fasciné, elle offre un épais mystère à notre terre de Bourgogne. Lorsqu'elle s'installe sur la Côte viticole, un escarpement de faille entre la plaine de la Saône et les Hautes-Côtes, une moulure qui du haut de ces 300 mètres par endroit, sur laquelle par temps clair on peut voir le Mont-Blanc, s'étend sur 70 km de Dijon à Chagny, la brume enveloppe de son manteau le Clos de Vougeot, et lorsque fument les brouettes viticoles utilisées pour brûler les sarments, les baguettes des ceps ciselés et sculptés par la taille du vigneron, ce sont des touches d'une fumée blanche qui s'ajoutent au tableau.
La brume charge l'humeur à s'intéresser au secret de notre histoire bourguignonne ; je pense à l'ancienne cité de Bélénos (Beaune aujourd'hui) et au vicus gallo-romain situé aux Bolards (non loin du péage de l'autoroute à Nuits-Saint-Georges) où certain étaient adorateurs du culte de Mithra, Dieu qui faillit renverser le christianisme naissant, Beaune et les Bolards, deux lieux de vie peuplés peut-être par des habitants descendant du centre Eduens Bibracte (Mont Beuvray) situé au beau milieu du Morvan (où Vercingétorix lança son appel pour fédérer les peuples celtes contre les romains et où Jules César écrivit sa Guerre des Gaules) puis des Gallo-Romains de la Ville d'Auguste, Augustudunum (Autun) nouveau centre de vie Eduens ; je pense à la terre des Burgondes avant qu'elle ne deviennent terre conquise par les rois Mérovingiens d'abord par Clovis, roi des Francs, ayant épousé la princesse Burgonde Clotilde, nièce du roi Gondebaud, qui convertira son mari à la religion chrétienne ; je pense au roi Gontran ; je pense à la mort de Guerin, premier seigneur de Vergy frère de Léger d'Autun ; Bourgogne conquise ensuite par les Carolingiens puis laissé aux seigneurs de la guerre : le roi Boson, Richard tout premier Duc de Bourgogne et son fidèle second Manassès de Vergy (l'Ancien), et le fils de ce dernier Gilbert ; je pense à la Seigneurie de Vergy, ce mystérieux château qui se situait sur la butte Vergy dont il ne reste qu'une tour et quelques pierres , à leurs chanoines de Saint-Denis ; je pense aux hommes spirituels de bourgogne, aux moines qui bâtirent Cîteaux le Novum Monestarium en réaction à Cluny le Grandiose Monastère de Bourgogne, je pense Cîteaux et à son Cellier qui allait devenir le Clos de Vougeot ; à l'autre Abbaye dépendant de Vergy et rattachée à Cluny l'Abbaye de Saint-Vivant ; à Bernard de Fontaine (qui allait devenir abbé de Clairvaux) ; et à la résidence secondaire des Pères Abbés de Cîteaux, lieu qui berça mon enfance, le Château de Gilly-les-Cîteaux et son Jardin à la Française ; je pense aux premiers Ducs de Bourgogne, les Ducs Capétiens et aux Grands Ducs de Bourgogne, les Ducs Valois, Philippe le Hardi, Jean Sans Peur, Philippe le Bon, Charles le Téméraire, au Chancelier Nicolas Rolin et Guigone de Salins sa femme qui fondèrent les Hospices de Beaune, au Conseiller Régnier Pot et son magnifique Château sorti tout droit d'un conte de fée, La Rochepot et à son petit-fils Philippe Pot lui aussi Conseiller des Ducs; je pense à la Bourgogne rattaché à la France par un roi des Châteaux de la Loire ; je pense aux descendants des Grands-Ducs, Marie et son petit-fils l'empereur Charles Quint adversaire féroce de François Ier ; je pense au développement de la ville de Nuits, après que fut rasé Vergy par notre « bon » Roy Henri IV Nuits, ses deux église Saint-Symphorien et Saint-Denis, Nuits, et surtout son Beffroi, image de mon enfance, Nuits la solidaire, Nuits la généreuse... ; je pense à des personnages haut en couleur le Prince de Conti, Claude Jobert de Chambertin, Léonce Bocquet ; je pense au vin de l'Empereur ; je pense à la République qui refonde en moi l'ensemble de mes valeurs et enfin je pense à Jules Vernes, à Félix Tisserand et à la Science qui souvent dépasse la fiction, à ces astronautes qui foulèrent la Lune et déposèrent le nom de Nuits-Saint-Georges dans le cratère lunaire baptisé à cette occasion cratère Saint-Georges. Tous ces événements, tous ces mystères, toute cette histoire forgent les habitants de ce coin de terre.
La Terre, cette Terre de Bourgogne donne aussi le caractère généreux aux Bourguignons, ceux de la Côte, ceux de la Saône et ceux du Morvan, parce qu'ils savent donner de leurs temps, mais savent aussi montrer leur dur caractère, ils sont dur comme le calcaire de la roche de Comblanchien qui compose notre Côte, ils ne se laisseront jamais marcher sur les pieds nos indépendants citoyens de Bourgogne. Voici aussi à l'ouest des rudes paysages qui peuplent la Côte, les Combes, ces perforations rocheuses dans la Côte plissant les Rochers, ici, les villages et villes sont nés le plus souvent d'une rencontre avec la Côte et d'une combe ; combe Lavaux à Gevrey-Chambertin, combe de la Serrée à Nuits-Saint-Georges. Combe qui ajoute du mystère dans nos paysages. Plus loin à l'est, les forêts et la grande forêt de Cîteaux laissent aussi leurs empreintes sacrées dans nos esprits. Au milieu cette terre, la terre de la côte, la terre de la vigne, cette terre et ces vignes travaillées et retravaillées quand j'étais gamin avec ce père qui m'amenait dans ses vignes, avec lequel j'ai appris à travailler la vigne et le vin. Je garde un lien étroit avec cette terre, et c'est peut-être de travailler les vignes qui ont fait de moi un homme résolument les pieds sur terre préférant écouter la sagesse du corps plutôt que chercher dans un hypothétique Ciel des idées. Préférant regarder sur Terre plutôt qu'au Ciel, à part lorsque je m'amuse à réciter les constellations.
Brume et Terre, la Vapeur et l'Humus, alliage de Bourgogne comme le corps et l'esprit forgent nos identités.






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